Le "winter workshop"

L’histoire de ce workshop est née d’une réflexion partagée par divers acteurs dans les vallées de moyenne montagne des Alpes de Haute-Provence. D’une part, un groupe d’habitants dynamiques est engagé dans les activités sociales et culturelles du territoire ; d’autre part, un enseignant-chercheur (Stéphane Hanrot) questionne entre autres le rôle, les responsabilités de l’architecte et le devenir des territoires péri-urbains et ruraux. Tous partagent des questions sur le devenir des territoires ruraux en général, de celui de cette vallée en particulier et le désir d’en construire de nouvelles représentations, des pistes pour l’avenir. L’idée d’un atelier intensif expérimental et hors cadre a alors émergé comme une forme intéressante pour questionner et mettre en relief les potentiels et le devenir des deux communes concernées, celles de Saint-Geniez et Authon :

 

« Prenez une poignée de participants, jeunes diplômés ou en fin de cursus, mélangez les profils entre urbanistes, paysagistes, architectes et encadrez les de façons souples par un enseignant-chercheur et une doctorante consciencieuse. Maintenant, sortez ce groupe des murs de l’école, de la ville même, et plongez-le en immersion pendant une semaine dans deux villages reculés, dans leurs histoires, leurs cultures, à la rencontre de leurs habitants chaleureux et leurs paysages grandioses. » (S. Hanrot, 2016)

 

En échange de ce travail que les communes ne pourraient pas se financer par la voie professionnelle, les douze étudiants en architecture, en paysagisme ou en urbanisme, encadrés par l’ENSA•M, ont été accueillis et se sont confrontés à des situations réelles territoriales ainsi qu’à des acteurs politiques et citoyens, ce qui est rare dans le cursus d’une pédagogie classique. Ils leur offriront par là une occasion unique d’appréhender et de comprendre les conditions de développement villageois, paysager et architectural de communes rurales. On pourra parler ici de workshop avec mise en situation d’acteurs, soit de workshop immersif. Cette singularité pédagogique aura nécessité un travail approfondi en amont entre les acteurs pédagogiques et de terrain (élus, citoyens), notamment dans l’écriture d’une convention entre les communes et l’ENSA•Marseille précisant un certain nombre de détails et d’attendus.

Les étudiants au travail avec leur encadrante dans la bibliothèque municipale de Saint-Geniez.
Les étudiants au travail avec leur encadrante dans la bibliothèque municipale de Saint-Geniez.

Tout d’abord, ce travail articule plusieurs échelles. On parlera premièrement de la situation dans le grand territoire : le “très rural” et ses enjeux, comme l’isolement relatif mis en vis-à-vis du principe de péréquation[1]. On s’intéressera ensuite à l’échelle intercommunale, dans l’hypothèse d’un développement concerté et d’une mutualisation de certains équipements – et plus spécifiquement communale – intégrant les spécificités du patrimoine villageois, architectural et paysager et de leur potentiel social, urbanistique, foncier et économique. Enfin, on pourra se rapprocher davantage encore des objets d’études par un regard approfondi sur les établissements humains constituant les communes : villages, hameaux et ensembles isolés (fermes, centre équestre, parc animalier, gîtes ruraux et habitations), puis enfin de l’architecture des habitations, des bâtiments d’activité, des équipements, des espaces et parc- jardins publics.

 

Ce workshop avait ainsi un triple objectif clairement annoncé. En premier lieu, produire un diagnostic sur toutes ces échelles ainsi que des stratégies de devenir aux échelles intercommunales et communales. Mais, plus précisément, il s’agissait également d’élaborer des plans guides d’aménagement des établissements humains retenus comme démonstrateurs de ces stratégies, puis enfin des projets d’architecture, à proprement parler, considérés comme déterminants dans ces plans guides. Au-delà de ces aspects pédagogiques plus administratifs, ce workshop singulier et hors-cadre a fait la preuve d’une coopération générale, que l’on peut développer sur au moins quatre aspects: interdisciplinaire, pédagogique, intergénérationnelle/interculturelle et enfin citoyenne.

 

La première coopération n’est pas anodine : des étudiants de différentes écoles (architecture, paysage et urbanisme) ont pu croiser leurs méthodes, leurs référentiels et leurs expériences propres. Elle a montré dans le même temps les différences, importantes, entre les disciplines et la nécessité de multiplier les temps de croisement. On insistera d’autant plus que les acteurs de l’aménagement de nos cadres de vie sont de plus en plus amenés à travailler en collaboration dans le monde professionnel.

Premières visites préparatoires en amont du workshop avec les habitants des deux communes, dans l'optique de produire les cartes "J'aime/J'aime pas".
Premières visites préparatoires en amont du workshop avec les habitants des deux communes, dans l’optique de produire les cartes “J’aime/J’aime pas”.
Premières visites préparatoires en amont du workshop avec les habitants des deux communes, dans l'optique de produire les cartes "J'aime/J'aime pas".
Premières visites préparatoires en amont du workshop avec les habitants des deux communes, dans l’optique de produire les cartes “J’aime/J’aime pas”.

La deuxième coopération porte sur le suivi pédagogique en amont et en aval du temps court de ce workshop immersif. Plusieurs mémoires de semestre 9 ont ainsi permis de “préparer le terrain”, d’apporter des éléments de réflexions, ils ont été les prétextes de visites sur site et des premières rencontres d’acteurs locaux, ainsi que l’occasion de documents préparatoires. Mais ce workshop a aussi permis de déclencher plusieurs Projet de Fin d’Études (PFE), par des étudiants y ayant participé ou non. Les diagnostics et les pistes de projets d’architecture ont trouvé des échos permettant d’approfondir des aspects vus de manière succincte.

Tablée d'un repas de midi, toujours généreux et délicieux, chez Maggy, à Saint-Geniez.
Tablée d’un repas de midi, toujours généreux et délicieux, chez Maggy, à Saint-Geniez.

Enfin, les deux dernières coopérations, interculturelles et citoyennes, découlent naturellement de l’aspect immersif de ce workshop. Il n’est pas anodin de faire se rencontrer des populations parfois rurales et âgées avec des jeunes urbains issus d’un cursus d’études supérieures. Invités à dîner chaque soir chez des habitants différents, ces derniers ont pu être en contact jusque dans la vie privée de personnes souvent éloignées de leurs milieux sociaux. Enfin, et pour conclure, l’aspect citoyen de la démarche a été un vecteur principal de tout ce travail : apporter de la réflexion libre et hors-cadre dans des espaces ruraux éloignés, par une expérience pédagogique coopérative singulière.

Rencontre avec les "experts" pour les étudiants et les habitants, dans la bibliothèque municipale de Saint-Geniez.
Rencontre avec les “experts” pour les étudiants et les habitants, dans la bibliothèque municipale de Saint-Geniez.
Premières visites préparatoires en amont du workshop avec les habitants des deux communes, dans l'optique de produire les cartes "J'aime/J'aime pas".
Premières visites préparatoires en amont du workshop avec les habitants des deux communes, dans l’optique de produire les cartes “J’aime/J’aime pas”.
Premières visites préparatoires en amont du workshop avec les habitants des deux communes, dans l'optique de produire les cartes "J'aime/J'aime pas".
Premières visites préparatoires en amont du workshop avec les habitants des deux communes, dans l’optique de produire les cartes “J’aime/J’aime pas”.

[1] Le principe de péréquation favorise l’égalité entre les territoires, notamment dans la prise en compte de ceux isolés. Il est intégré dans la Constitution.

Propositions pour la préfiguration de l’IMVT

“Pour que le caractère d’un être humain dévoile des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la bonne fortune de pouvoir observer son action pendant de longues années. Si cette action est dépouillée de tout égoïsme, si l’idée qui la dirige est d’une générosité sans exemple, s’il est absolument certain qu’elle n’a cherché de récompense nulle part et qu’au surplus elle ait laissé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d’erreurs, devant un caractère inoubliable.”

JEAN GIONO, L’HOMME QUI PLANTAIT DES ARBRES, ÉDITIONS GALLIMARD, 1983

Dans ce texte universel, remplacer les mots “être humain” par “architecte”, ça fonctionne. Remplacer “être humain” par “projet”, ça fonctionne encore…

En 2022, le nouvel Institut Méditerranéen de la Ville et des Territoires accueillera sur le site de la Porte d’Aix les actuelles École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille (ENSA•M),
Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional d’Aix-en-Provence (IUAR) et antenne marseillaise de l’École Nationale Supérieure du Paysage (ENSP).
Euromed et l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille ont conjointement décidé, dans la suite des actions de l’association Synapse, de préfigurer la présence de ces écoles dans le
quartier, sous forme d’un pavillon d’une centaine de mètres carrés.

A la demande de Jean-Marc Zuretti, nous avons accepté d’en faire le projet du premier semestre de Master du LAB43 : “Pas d’Architecture Sans Structure”, sous forme d’un atelier intensif
de 3 mois, ponctué de 3 Workshops avec restitution publique, sur les thèmes : Site & Usages, Processus & Matérialités et Détails.

En Septembre nous avons donc accueilli un groupe de 27 étudiants, riche de diversité, inscrits et motivés par l’objectif et la démarche de notre atelier, dont les trois clés d’entrée étaient
les suivantes :

Cette année, les étudiants étaient saisis d’un programme atypique, situé dans le quartier de la Porte d’Aix à Marseille. Il s’agissait d’une part de concevoir un pavillon préfiguratif clos et couvert du futur Institut Méditerranéen de la Ville et des Territoires (IMVT) qui sera livré in situ en 2022 et qui réunira en son sein l’antenne marseillaise de l’École Nationale Supérieure du Paysage (ENSP), l’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional d’Aix- en-Provence (IUAR) et l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille (ENSA- M). La Maitrise d’Ouvrage du pavillon est assurée par cette dernière et sa mise en œuvre est programmée au premier semestre 2018.

Les étudiants devaient réfléchir d’autre part à la programmation et aux principes architecturaux d’un bâtiment situé sur l’îlot Pelletan et dont la Maitrise d’Ouvrage est assurée par l’Établissement Public Euroméditerranée. Ce dernier a élargi sa demande de réflexion sur la réactivation des nombreux rez-de-chaussée neufs et existants vacants dans le quartier.

 

1er temps
Site & usages

Unité d’action, unité de temps, unité de lieu

De nombreuses rencontres ont ponctuées le  premier temps  consacré à la  compréhension  du quartier de la Porte d’Aix, à son histoire et aux enjeux de la création de l’IMVT.
Il y a eu celles organisées dans le cadre de l’exercice, et en  premier lieu  une rencontre  inter- écoles pour que les étudiants en paysage, en urbanisme et en architecture fassent connaissance et puissent travailler ensemble sur le  pavillon préfiguratif, à  l’image de  ce  que pourra être un exercice pédagogique partagé au sein de l’IMVT.
Il y a eu aussi celles plus spontanées, improvisées sur  place lors des visites collégiales de  site ou par les étudiants eux- mêmes qui sont allés par petits groupes à la rencontre des acteurs du quartier : les habitants, les commerçants, les institutionnels  et  le  tissu  associatif.

Ces rencontres et ces enquêtes de terrain ont fait comprendre aux étudiants qu’un pavillon préfiguratif décontextualisé et peu ouvert sur le quartier serait sans doute perçu par les habitants de la Porte d’Aix comme une « terra incognita » à usage quasi exclusif des  étudiants, alors que l’enjeu réel du projet était de créer du lien entre les différents acteurs déjà en place – particuliers et institutionnels – mais aussi avec ceux à venir – le milliers d’étudiants qui allaient investir les lieux à l’horizon 2022 – dans une relation fondée sur la compréhension et l’estime de l’autre.

Il était donc fondamental que le pavillon soit une  terre d’accueil pour tous les  publics et  qu’il soit avant tout un outil pédagogique, d’une part pour mieux faire comprendre aux habitants leur quartier et ses mutations successives et d’autre part pour leur expliquer la vocation de l’IMVT et des métiers qu’il enseignera.

Tout au long du semestre, le besoin d’ancrage social du  pavillon  dans  le  quartier  a amplifié la question de son rapport au sol, déjà présente avec l’interdiction de fonder mécaniquement un projet éphémère sur l’espace public.
Les étudiants ont sentis que les  outils programmatiques dont ils  disposaient ne permettraient pas une action suffisamment large pour assurer du lien avec les habitants et l’ancrage progressif de l’IMVT dans le quartier tant ces outils étaient par nature étanches entre eux et diffus sur le territoire.
La réflexion sur l’îlot Pelletan commandée par Euroméditerranée permettait certes de proposer des programmes accueillant des activités utiles au quartier et à ses futurs
étudiants mais elle était trop précisément située le long du futur parc, fermé la nuit, pour permettre une suture sociale efficace entre les habitants de l’Ouest, le long de l’avenue Pelletan et ceux de l’Est, dans la résidence Le Turenne leur faisant face, trop longtemps séparés entre eux par l’autoroute A7 et sa cicatrice actuelle.
La réflexion sur la vacance des rez-de-chaussée, également commandée  par Euroméditerranée, était pertinente mais les rez-de-chaussée concernés étaient trop diffus  et leurs statuts juridiques trop variés pour pouvoir proposer un ensemble de programmes réalistes et cohérents entre eux, capables de les occuper pleinement.
Quant au pavillon, sa petite dimension contrastait avec l’échelle de l’espace public déjà construit ce qui rendait son attache au site difficile et son isolement certain. Sa  relative  faible amplitude horaire d’ouverture associée à la demande d’un pavillon clos et couvert risquait également de le rendre trop étanche à l’espace public, lui faisant perdre par la- même sa vocation première d’accueil…

La proposition des étudiants jardiniers urbains

Au début de semestre, Aline BURLE, architecte et membre de l’association  SYNAPSE  Marseille qui avait été à l’initiative de propositions pour  investir le  quartier  de  la  porte d’Aix avant l’arrivée de l’IMVT, est venue présenter son Projet de Fin  d’Étude (PFE) portant sur cette thématique.
Celui- ci a sans doute été inspirant pour les  étudiants car c’est alors que, à  l’image de  l’action menée par le berger Elzéard Bouffier dans l’homme qui plantait des arbres dans le roman éponyme de  Jean GIONO[2], ils  ont proposé une action dans la  durée en  ponctuant  les 5 ans d’attente de la migration des 3 écoles constituants l’IMVT d’une succession d’interventions, incluant les demandes du programme initial mais en les   reformulant quelque peu et en les adossant à des programmes complémentaires de type événementiel inspirés par un travail préliminaire  de référencement d’interventions  d’artistes et d’architectes sur l’espace public.
Multi- scalaires et de temporalités variées, ces interventions sont comme autant d’arbres plantés qui permettront d’investir en douceur et progressivement le quartier en cultivant le terreau fertile des liens sociaux à fortifier.

C’est précisément à ce moment- là que le projet a pris son envol.
Au lieu d’être une succession de beaux objets finis, étanches entre eux et avec l’espace public, telle que la production de la ville le  fabrique  souvent  aujourd’hui, le  projet  est avant tout un processus d’accompagnement de la mutation du  quartier  qui  intègre  la  valeur du temps – même s’il n’est question ici que  de  quelques années –  nécessaire au  germe de la planification urbaine mise en place par  Euroméditerranée et  la  Ville.  Après tout, la ville méditerranéenne n’est- elle pas constituée d’une stratification de mouvements migratoires que le temps aide à fixer ?

L’ENSA•M ayant débloqué un budget en fond propre pour la construction du pavillon préfiguratif, il était entendu que les étudiants devraient trouver des partenariats extérieurs pour mettre en œuvre leurs propositions complémentaires au programme  initial  de l’exercice.

Un évènement inaugural
Le bankimank

Pour illustrer leur démarche, les étudiants ont proposé rapidement un évènement inaugural consistant à mettre en œuvre au  premier semestre 2018  un escalier provisoire enlaçant  l’Arc de triomphe qui ponctue l’axe urbain historique Nord/ Sud de Marseille.
Réalisé en structure d’échafaudage, il permet d’accéder à une plateforme haute depuis laquelle les habitants et les futurs étudiants pourront regarder ensemble le quartier d’un point de vue inédit et découvrir sa mutation grâce à une table d’orientation expliquant les interventions et les projets à venir  d’Euroméditerranée et des  étudiants, jusqu’à l’arrivée  de l’IMVT.

Face au constat d’absence de banc sur l’espace public fraîchement requalifié, les étudiants ont appelé l’escalier provisoire le Bankimank, autrement dit le « banc  qui  manque »  puisqu’il pourrait aussi servir d’assises aux habitants.

D’un point de vue opérationnel, le projet pourrait être porté par l’association Synapse Marseille dans laquelle les étudiants ont l’intention de s’investir pour  s’assurer de  la  réussite de leurs propositions. Il pourrait être financé par des entreprises spécialisées en montage de structures événementielles.

 

2ème temps
Manipulations structurelles

En octobre, le deuxième temps a été consacré aux manipulations structurelles avec une approche de la structure par la maquette.
Les étudiants devaient proposer un ou plusieurs éléments de structure combinés entre eux, capable de répondre au programme du  pavillon  préfiguratif.  Ces  propositions  devaient être portées par une réflexion sur  le  processus de  mise en  œuvre incluant la  question de  la matière première et de son ré- emploi en fin de vie du pavillon.
Les éléments constituants la structure et l’enveloppe assurant le clos et le couvert devaient pouvoir se transporter, s’assembler et se monter facilement sans avoir  recours à  des moyens de levage complexe et onéreux.

C’est alors que les ingénieurs encadrants ont fait leur entrée dans le semestre, et  notamment Marine Bagneris, membre du laboratoire de recherche MAP GAMSAU-CNRS, tournée plus précisément sur la question de la pierre, puisqu’un des enjeux  du semestre était de créer un lien entre enseignement du projet et recherche.
Romain Ricciotti a apporté aux étudiants son expertise du béton et Nobouko Nansenet, architecte, celle de la pierre et du bois, forte de ses 7 années passées auprès de Gilles Perraudin en tant que chef de projet.

Deux sorties pédagogiques ont nourri la réflexion sur la  matière structurelle :  la  première sur   le thème de la pierre a fait découvrir aux étudiants le monde des carriers et le chais de  Vauvert dont son architecte, Gilles Perraudin leur en  a  expliqué la  genèse, et  la  seconde sur le thème du béton avec la visite d’une usine de préfabrication et des chantiers de bâtiments et d’infrastructures intégrant des ouvrages en béton ultra haute performance.

Au départ, les manipulations structurelles ne se sont pas embarrassées de question de site, ni de forme ni d’enveloppe pour que puissent en naître les structures les plus singulières possible. La seule contrainte était de former un espace suffisamment grand pour accueillir tout ou partie des usages du programme.

Assez rapidement, les étudiants se sont heurtés au  choix d’une architecture standard ou  non- standard, et par corollaire, à la question de l’enveloppe et de  son  rapport  à  la  structure puisque le  pavillon devait être clos et couvert, c’est à  dire être étanche à  l’eau et  à l’air sans qu’il soit toutefois question d’aller jusqu’à en obtenir une valeur réglementaire.

C’est face à ces complexités, qui se seraient retrouvée dans la mise en œuvre du pavillon  retenu, ainsi que face à celle de la  mise en  œuvre des commodités nécessaires à  l’accueil  du public que les étudiants ont proposé de fractionner en deux le programme initial du pavillon. La première partie serait une base vie située dans un des rez-de-chaussée vacant  et qui accueillerait ces commodités et du stockage de matériel facile à  sécuriser.  La  seconde partie serait une structure située sur l’espace public, libérée partiellement de ses contraintes thermiques, et pour y accueillir des manifestations aussi variées qu’un cours public d’architecture, d’urbanisme ou de paysage, une conférence,  des  projections  de  films, des concerts, des expositions, etc. Hors manifestations, cette structure offrirait au public un abri, de l’ombre et parfois un banc.

Fin octobre, les étudiants ont soumis au comité de suivi pas moins de 9 propositions différentes de pavillons accompagnées d’une réflexion sur la programmation de  l’ilôt Pelletan et sur l’occupation des rez-de-chaussée vacants dont la base vie faisait maintenant partie, parmi des programmes à usages partagés inédits tels qu’un washbar, des ateliers publics de réparation, une bibliothèque partagée, etc., autant d’usages concrets et utiles à  la vie du quartier et de ses futurs étudiants.

Pour accompagner l’implantation de l’IMVT et à la suite du Bankimank, les étudiants ont également proposés une série d’actions sur l’espace public, cette fois- ci menées par des artistes issus du street- art ou de l’univers du cirque, et dont la vocation était de révéler le lieu en utilisant des outils communs avec ceux des architectes. Une de ces interventions consiste à faire interagir l’artiste Yohan Le Guillerm avec l’espace public de la porte d’Aix grâce à un de ses spectacles de rue intitulé la Transumante, consistant à manipuler une structure tridimensionnelle dans le but de la faire se déplacer comme un organisme vivant, grâce à la permutation successive de ses petits éléments de bois la constituant.

L’expertise du comité de suivi et des encadrants a conclu à  ce  stade que les 9  propositions de pavillons n’étaient pas  toutes viables, soit parce qu’elles présentaient des  structures  dont la conception ou la mise en œuvre seraient trop complexes, soit parce qu’elles ne garantissaient pas la pérennité nécessaire à  un  petit édifice confronté à  l’espace public,  soit parce qu’il serait difficile de les faire rentrer dans le budget prévu à cet effet.

Il a été alors proposé et décidé collégialement de répartir les 9 propositions de pavillons dans 2 catégories distinctes :

Fin octobre, les étudiants se sont retrouvés à devoir traiter 5 types de projets au cours des deux derniers mois du semestre :

Les groupes ont été alors reconstitués pour les équilibrer en tenant compte de la nouvelle configuration des projets.

 

3ème temps
Détails constructifs

Le rapport au sol et le plancher haut – le toit – ont été tout au long du semestre les deux  écueils constructifs sur lesquels les étudiants ont longtemps butés, tout comme la prise en compte des contraintes de mise en œuvre de certaines matières comme les assemblages d’éléments en bois ou le harpage des  murs  en  pierre leur assurant la  stabilité au  séisme. Ce 3ème temps était donc consacré à la mise au point technique des pavillons, toujours suivie de près par les ingénieurs. Les étudiants sont allés aussi à la rencontre d’un charpentier pour avoir un retour opérationnel concret sur leurs projets.

Très vite, de grandes familles d’éléments de structure ont vu le jour, nourries par les séminaires des 3 dernières années mis à disposition des étudiants.
Il y a eu d’un côté les structures légères, faites d’assemblage d’éléments en bois, principalement des portiques et des béquilles, qu’il fallait lester faute de fondation. La technique du plancher caisson a été  une opportunité de ce  point de  vue car elle permettait à la fois de remplir ses  alvéoles de  sacs de  sable, tout en  proposant des usages en  creux  du fait de leur épaisseur d’une quarantaine de centimètres (bancs, fosse de  concert, fosses de plantation, etc.)
De l’autre côté, les structures lourdes, faites d’assemblage de  pierres  étaient lestées  de fait. L’enjeu de ces structures était plutôt d’ordre économique puisque cette matière reste onéreuse notamment à la taille. L’utilisation de pierres brutes d’extraction mais surtout, le partenariat développé avec la société Carrières de Provence visitée en octobre a rendu possible ces projets en travaillant sur la notion de prêt de matière, inédit jusque-là pour ce matériau. En fin de vie du pavillon, les pierres seraient rendues à la carrière pour une  seconde vie, seul le transport, le levage et la mise en œuvre restant à la charge de l’école.

Côté toiture, les questionnements furent multiples…
D’un point de vue structurel, les étudiants ont convoqué la – relative – grande portée et le porte- à- faux dans leurs projets, ce qui était pertinent d’un point de vue de  l’usage aussi bien pour obtenir une liberté d’usage à l’intérieur des  pavillons  que  pour  ombrager  l’espace public. L’efficacité des toitures caissons bois s’est avérée redoutable  pour  la plupart d’entre eux et cette technique s’est retrouvée employée tout autant dans les structures légères que dans les structures lourdes. Outre son avantage de minimiser les points porteurs, elle génère des creux en sous- face exploitable pour traiter l’acoustique ou l’éclairage.
Un groupe a travaillé sur le franchissement en  s’adossant  à  l’expérience  de  Marine Bagnéris sur les poutres en pierres précontraintes développée dans le cadre de son laboratoire de recherche avec les carriers et les compagnons du devoir. L’abandon d’une enveloppe thermique au profit d’une simple enveloppe « protectrice » a permit également de minimiser la multiplication des couches de matière puisque l’isolation thermique pouvait être compensée en grande partie par la  ventilation naturelle, à  l’image  de l’architecture tropicale.
Restait la question de l’étanchéité, ou là encore, grâce à  l’utilisation  d’une  base- vie mettant à l’abri le matériel sensible, des solutions simples et efficaces  ont  pu  être employées sans avoir recours à la mise en œuvre de couches multiples et onéreuses : couverture sèche simple peau, étanchéité bitumineuse passée  au  rouleau,  membrane- vélum étanche permettant de filtrer par la même occasion la lumière à l’intérieur, etc.

Le travail sur le contreventement des pavillons a quant à lui  nourrit la  réflexion sur  la  forme et l’usage puisque c’était soit la forme du pavillon qui en assurait la charge, soit la disposition de palées de stabilité, au droit de  l’enveloppe  ou  en  partitionnement   d’espaces intérieurs.

En fin de semestre, les étudiants sont parvenus à dessiner les pavillons au 1/ 20ème en s’assurant de leur réalisme constructif, de la pertinence de leur processus  de  mise  en œuvre, de leur pérennité dans l’espace public et de leur ré- emploi. Sur ce dernier point, certains étudiants ont proposés de réutiliser tout ou partie de leur proposition, que  ce  soit en restituant les pierres aux carriers pour un autre projet, en démontant et remontant les gloriettes du parc ailleurs ou en utilisant les toitures caissons pour couvrir les nouveaux espaces sportifs extérieurs du centre social Velten limitrophe.

 

Et après ?

Le jury de fin de semestre a réuni les principaux acteurs du projet, l’Établissement public Euroméditerranée, l’école du paysage et l’IUAR, et bien sur la direction et un représentant  du conseil d’administration de l’école d’architecture de Marseille.

Tous ont salués l’engagement des étudiants face à une situation concrète de projet et tous ont salués l’engagement du projet face à une situation urbaine en attente  de  la  formalisation de son devenir.

 

L’histoire est écrite, il reste à la mettre en œuvre, tout d’abord en choisissant un pavillon préfiguratif parmi les 4 proposés, puis en activant les autres propositions par le biais des différents intervenants et outils mis en place au cours du semestre. C’est le travail  à accomplir au premier trimestre 2018. L’engagement total des étudiants dans l’association Synapse fin 2017 ne peut que nous convaincre de sa réussite.

 

Casting du semestre

Les étudiants

Les encadrants

Les intervenants extérieurs dans l’ordre de leur apparition dans le semestre

Les enseignants du LAB43

Et les enseignants de l’école d’architecture de Marseille qui sont  passés voir les  travaux  des étudiants et ont assisté aux restitutions mensuelles.

 

Le projet des étudiants

  1. Les évènements

    • Le Bankimank
      Waël ABUISSA, Cynthia BONNE ÎLE, Maxime ELICKI, Claire GARDAN, Arthur SANCHEZ
    • La Transumante
      Johann LE GUILLERM, artiste circassien http:// www. johannleguillerm. com/
  2. Programmation et intentions architecturales pour l’ilot Pelletan

    Fernanda BLANC, Clément LABAT, Chloé OTTO- BRUC

  3. Les rez-de-chaussée

    Camille BOBEAU, Clémence BROC, Chloé COTTREAU, Monika MOLIK

  4. Les pavillons

    • Corps lumineux
      Waël ABUISSA, Cynthia BONNEFILE , Maxime ELICKI, Claire GARDAN, Arthur SANCHEZ
    • L’agora
      Löic BELLET, Alexandre GUILLALMON
    • La cour
      Alexis BARRET, Hugo GILBERT, Lucas LAFOUX
    • Un toit pour toi
      Fadhel CHÉRIF, Caroline ORDENER
  5. Les structures expériementales

    • Balises urbaines
      Estelle ALBRAND, Sarah PATTERI
    • Les gloriettes de Saint Charles
      Adel BENNOUI, Ryan BENTABAK, Kévin PONCE, Roxane TROIA
    • L’ornithogale
      Antoine BAGATTINI, Erwan LE PANCE
    • Les voutes « 2 secondes »
      Hugo GILBERT, Alexis BARRET

https://lab43s7.tumblr.com/

 

[1]L’intitulé « Pas d’architecture sans structure ! » emprunté à Mario Salvadori dans son ouvrage « Comment ça tient ? » aux éditions Parenthèses
[2] L’homme qui plantait des arbres, Jean GIONO, Éditions Gallimard, 1983. Dans cette fiction universelle, le berger Elzéard Bouffier passa sa vie à planter des arbres dans un coin aride des Alpes de Haute Provence pour en faire la terre d’accueil de nouvelles familles dans l’espoir de réactiver cette campagne sinon promise à la désertification.

Marseille, vue(s) du sol

Marseille, vue(s) du sol - mélo-ville en sol mineur , le workshop - "Les journées De cet endroit" 14/12/2017 from groupedunes on Vimeo.

Les journées « De cet endroit » rassemblent des écologues, architectes, urbanistes, paysagistes, artistes, étudiants et habitants autour d’une réflexion sur les relations ville-nature à Marseille et se tiennent depuis 2013 à la Friche la Belle de Mai de Marseille (http://www.journees.decetendroit.net).

Elles ont été initiées par le groupe Dunes (Madeleine Chiche et Bernard Misrachi artistes), Thierry Tatoni, écologue, écologue du paysage, enseignant à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie marine et continentale, Stéphane Hanrot architecte, enseignant à l’ENSA•M, directeur du laboratoire project[s] de 2014 à 2017 et du département de la recherche doctorale de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille jusqu’en 2017, et Isabelle Rault (paysagiste et co fondatrice de l’agence HetR).

Après la disparition de Stéphane Hanrot, trois membres du laboratoire project[s] ont décidé de reprendre le flambeau. Arnaud Sibilat (architecte – doctorant à l’ENSA•M), Séverine Steenhuyse (architecte – docteur en esthétique), et Alexandra Biehler (paysagiste – docteur en géographie) participaient déjà aux journées au travers d’enseignements dans un séminaire d’initiation à la recherche de Master du département AVT de l’ENSA•M.

 

Un workshop pour inaugurer une nouvelle formule

Le thème retenu pour la 5ème édition de décembre 2017 fut le sol urbain, avec un chapelet de questions attachées à cet objet : Que nous dit le sol des villes ? Quelle est la qualité du sol sur/avec lequel se construisent les villes ? Le sol et le sous-sol sol sur lequel se fondent les projets urbains sont-ils des ressources, un bien commun ?

Cette 5ème édition inaugurait par ailleurs une nouvelle formule avec l’introduction d’un workshop précédant les échanges et discussions entre les spécialistes et des citadins marseillais.

Ainsi, le 14 décembre 2017, la journée « de cet endroit » s’est déroulée en trois temps :

 

Trois écoles et un thème pour expérimenter l’interdisciplinarité

Comment permettre des croisements entre les disciplines sur le sujet de la ville-nature au cours des cursus respectifs des étudiants ? Un thème, plus qu’un sujet, a donc été proposé pour permettre une expérimentation rapide sur une demi-journée.

Effectivement, lors des journées « De cet endroit » précédentes, malgré l’engagement des trois écoles et la présence des étudiants, la possibilité d’une relation directe avec un enseignement restait aléatoire suivant les sujets abordés chaque année.

Concernant cette édition 2017, le workshop a mobilisé l’ensemble des étudiants autour d’une réflexion sur le thème du sol urbain. Les étudiants de l’ENSP et de l’ENSA•M ont notamment proposé et présenté leurs sites de studio et de séminaire du semestre à expérimenter pour l’exercice, ainsi le lien à la pédagogie de chaque école était clairement perceptible.

Ce workshop avait pour ambition d’amorcer une réflexion commune entre les étudiants de trois disciplines différentes sur les sols, et la(les) perception(s) des sols urbains portée(s) par chacun. Ainsi, chaque étudiant s’est-il donné un rôle d’expert de sa discipline, au sein d’un groupe pluridisciplinaire, missionné sur des terrains différents : la place de la Joliette, la place Castellane, l’avenue du Prado, le quartier du Merlan et le quartier de Sainte Marthe.

Il a alors été demandé de répondre à plusieurs questions par le support/medium du dessin : « Qu’est-ce qu’est ce sol urbain pour vous? Comment voyez-vous les sols et sous-sols du site choisi ? Pourriez-vous dessiner un scénario de “sol idéal” pour le site choisi ? »

 

Le bénéfice de la rencontre interdisciplinaire, ou ce qu’a révélé le workshop : un moment de partage.

Les organisateurs de la journée comme les participants (enseignants chercheurs, professionnels et étudiants) ont largement apprécié le format workshop pour ses aspects très riches et dynamiques. Les retours furent également très positifs de la part des étudiants de toutes les disciplines pour lesquels ce workshop fut un moment de partage stimulant.

 

  1. Le partage des mots :

    La rencontre des étudiants des trois disciplines autour d’un même thème nous a montré combien la compréhension d’un même mot pouvait être différente pour des personnes de disciplines différentes, qui seraient par ailleurs appelés à travailler ensemble dans le futur autour de projets urbains.

    Un certain nombre de termes et leurs définitions ont été particulièrement discutés entre les étudiants :

    • la structure
    • le sol – sous-sol – techno-sol
    • la litière – les sédiments
    • les habitats – le territoire anthropisé
    • la ripisylve
    • la Trame verte et bleue

    Au cœur même du thème développé dans cette journée et proposé pour le workshop, les termes n’étaient donc pas d’emblée compris de la même manière par les trois disciplines convoquées.

  2. Le partage de méthodes :

    Les souhaits et tentatives de partages de méthodes d’investigation des étudiants a révélé des questions importantes relatives à l’élaboration des projets : de quelle(s) nature(s) relève l’histoire du sol ? Comment appréhender ce palimpseste ?

    La recherche de cartes, de photos anciennes pour comprendre la genèse d’un sol urbain a été partagée par quasiment toutes les équipes.

  3. Le partage des modes de représentation :

    Les encadrants du workshop ont pu remarquer l’efficacité avec laquelle les étudiants de projet se sont emparés de la matière qu’on leur donnait pour la transformer ou en faire les paramètres d’une transformation.

    Très rapidement les éléments présents sur le sol, ou sous le sol, de chaque site ont été représentés (bâti, voiries, végétation, nature des sols, etc.) sous forme de blocs diagrammes, de coupes, de plans et de schémas ; avec des découvertes stimulantes de techniques de représentation utilisées couramment par les paysagistes mais nouvelles pour certains architectes des équipes.

    Il apparut alors de manière évidente que représenter, c’était s’interroger. Et quand les étudiants des différentes disciplines ne donnaient pas la même définition du mot « sol », le dessin se révélait être la meilleure façon de partager une idée, de la débattre et de questionner une situation.

  4. Le partage de questions :

    Certaines questions sont apparues rapidement comme essentielles à discuter au sein des équipes, sur les territoires urbains choisis :

    • La question des échelles est apparue comme essentielle : à partir de quand peut-on notamment parler d’hétérogénéité ?
    • Et qu’est ce qui est perçu comme homogène ou hétérogène, et à quelle échelle ?
      Par exemple, un lotissement est-il un espace homogène ? Mais à l’échelle des parcelles, retrouve-t-on les mêmes caractéristiques ?
    • Prend-on en compte la fonction ou les qualités spatiales de l’espace envisagé ?

    Ces questions sont apparues comment essentielles à résoudre pour que chaque représentant de chacune des disciplines puisse exposer clairement son approche du site et de son (ses) sol(s).

  5. Le mode projet comme espace de partage entre les disciplines.

    Dans la recherche de réponse à la question « Pourriez-vous dessinez un scénario d’un “sol idéal” pour le site choisi ? », le « mode projet » s’est rapidement révélé comme espace de partage opératoire entre les disciplines qui travaillent sur nos espaces de vie.

    Si les étudiants écologues n’étaient pas habitués au projet comme les étudiants architectes et paysagistes, ils se sont « imposés » dans certaines équipes, participant aux orientations et à l’élaboration d’un projet s’il y en avait un et/ou ils ont apporté une expertise utile à la bonne représentation du sous-sol et à la prise de décision pour les architectes et paysagistes.[1]

    Envisager une transformation a aiguisé le dialogue, l’a animé.

    Penser les usages de la ville, d’une ville vivante où le sol n’est pas seulement la surface sur laquelle nous marchons fut enthousiasmant pour tous. Les étudiants écologues ont ainsi témoignés avec engouement de leur intérêt à faire du projet tandis que ceux en architecture et paysage ont pris toute la dimension de l’apport des compétences « de l’autre » pour transformer leurs façons de faire.

 

Des perspectives : enseigner avec la pluridisciplinarité ?

Cette formule de workshop d’une demi-journée, qu’on pourrait qualifier de « flash », a montré son efficacité. Deux éléments ont certainement favorisé cette réussite : cette matinée mobilisait les étudiants sur des sites dont plusieurs étudiants de chaque groupe étaient déjà « experts », et l’encadrement, important (10 encadrants pour 50 étudiants), avait un caractère pluridisciplinaire marqué (5 disciplines représentées pour ces encadrants enseignants, chercheurs, et praticiens)[2].

La parole des étudiants en fin de workshop est très « positive » sur plusieurs points :

Ces échanges interdisciplinaires permettent assurément d’avoir un regard plus complet sur un objet d’étude commun afin d’en appréhender la complexité. Ils permettent de mieux comprendre une situation pour mieux agir dans le contexte d’une démarche de projet.

La synergie a bien eu lieu et les mots qui résument le mieux cela ont été donnés par Bertrand Vignal, paysagiste (agence BASE) à propos de cet événement qui, selon lui, « créé des échanges qui font les meilleurs projets par la suite »[7].

Enseigner avec la pluridisciplinarité ?

Cet évènement a suscité un fort enthousiasme auprès d’enseignants chercheurs de l’IMBE/AMU et a conduit à élaborer le montage d’un projet ARCHIPELAGO dans le cadre de l’AAP Académie d’excellence 2017 d’A-MIDEX et en particulier de son action #3, avec des enseignants chercheurs de l’AMU – IMBE – IUAR – ENSP et ENSAM :

Questionnements et perspectives développées : Enseigner avec la pluridisciplinarité ?

Permettre la confrontation et la rencontre des compréhensions et des modes de perceptions d’une même situation par différentes personnalités de diverses disciplines pour co-construire de nouvelles pratiques.

Ce projet n’a finalement pas abouti pour des raisons administratives, mais l’envie des enseignants, chercheurs et praticiens de poursuivre cette expérience « pluridisciplinaire » en l’intégrant à leur pédagogie reste vive et porteuses de projets futurs.

 

Alexandra Biehler pour l’équipe de la journée de cet endroit
« Marseille, vue(s) du sol – mélo-ville en sol mineur »

Références

[1] Observation d‘Arnaud Sibilat après le workshop.

[2] Atelier pluridisciplinaire pour une cinquantaine d’étudiants architectes, paysagistes et écologues encadré par :

Thierry Tatoni, écologue, Alexandra Biehler, paysagiste et géographe, Jean-François Ravon, architecte et urbaniste, Séverine Steenhuyse, architecte, Arnaud Sibilat, architecte, Gabriele Salvia, architecte, Isabelle Rault, paysagiste, François Wattelier, paysagiste, Bertrand Vignal, paysagiste, Isabelle Laffont Schwob, écologue.

Suivie des interventions de :

Bertrand Vignal, paysagiste ; Thierry Gauquelin, écologue ; Philippe Clergeau, écologue ; Samuel Robert, géographe ; Caroline Chottin, paysagiste.

 

[3] Entretien avec un étudiant architecte après le workshop.

[4] Entretien avec une étudiante architecte après le workshop.

[5] Entretien avec une étudiante paysagiste après le workshop.

[6] Entretien avec Jean François Ravon, architecte -urbaniste, enseignant de projet à l’ENSP.

[7] Entretien avec Bertrand Vignal, paysagiste, après le workshop.

L'atelier intensif annuel

Lorsque je l’ai rejoint en 2014, après avoir été moi-même invité à encadrer plusieurs Work-Shops Bateau-Bus sous sa direction, il n’y avait qu’à maintenir l’impulsion pour que la puissante machine poursuive sur sa dynamique. Pour avoir encadré des workshops longtemps et un peu partout dans le monde, Tech-Univ. Berlin, ENSA-Versailles Licence / Maitrise à Shanghai et Chongching pendant trois ans, ou EFRJ Rio de Janeiro pendant 4 ans, je peux témoigner de l’extraordinaire efficacité que ce professeur un peu mathématicien a réussi à insuffler à son programme. Le format : 2 semaines, l’échelle : +/-120 étudiants, +/- 12 encadrants, +/-10 moniteurs ; la préparation sous forme d’atelier, la post-production, mais aussi les partenariats institutionnels et universitaires… Tout est optimisé au maximum. Et pourtant, la veille de son décès, Stéphane m’a convoqué à l’Hôpital pour me donner ses instructions afin de développer encore le concept. Oui, il est possible d’aller plus loin, et je vais m’y efforcer. En attendant, je propose un texte rédigé à quatre mains avec Stéphane qui décrit un peu les modalités, et les objectifs de ce workshop qui anime la rentrée d’hiver de l’école d’architecture depuis plus d’une décennie maintenant.

Séance de travail, 2018
Séance de travail, 2018

« Depuis onze ans, le workshop annuel de 4ème année constitue un contrepoint essentiel aux ateliers de projet jalonnant le reste des études. Ici, pas de temps long, pas d’options et autres séminaires à gérer en parallèle. Pendant deux semaines, les 120 étudiants de 4ème année travaillent à l’école d’architecture en continu, soit 12 équipes de 10, chacune encadrée par un enseignant ou une personnalité extérieure compétente. L’objectif pédagogique de ce workshop est d’amener les étudiants à proposer des projets pertinents à une échelle territoriale réaliste. Pour ce faire, ils doivent miser sur le travail d’équipe, fondé sur deux outils fondamentaux : le débat de groupe et la complémentarité des compétences. Cela signifie apprendre à s’organiser collectivement et à gérer avec bienveillance les situations de conflit.

Cette question fait l’objet d’une présentation spécifique appuyée sur divers travaux de recherche ayant pour objet « l’intelligence collective ».

 

Enseignements coopératifs

Afin d’offrir des thèmes de réflexion de qualité, l’atelier de projet de deuxième année de Master « Interface Ville/Nature » du département Architecture Ville et Territoire est dédié à l’organisation du workshop. Pendant un semestre, les étudiants réalisent une analyse poussée du site. Celle-ci permet l’élaboration d’un corpus de scénarios qui constituent des axes de projet développés par les 120 participants au workshop. À la fin des deux semaines, les étudiants de l’atelier récupèrent les travaux et les mettent en forme afin de permettre la production d’une publication et d’une exposition. Certains étudiants continuent à explorer les thèmes abordés sous forme de projets de fin d’étude (PFE) au second semestre. D’autres enfin prolongent leurs études par des thèses encadrées par l’école durant trois ans. Cette organisation est ainsi fondée sur la coopération des enseignements entre atelier de projet de 5ème année, workshop de 4ème année, projets de fin d’étude, et doctorats.

 

Coopérations locales et internationales

Les premières éditions du workshop ont notamment permis d’alimenter les réflexions sur la mise en place de Bateaux-Bus, faisant aujourd’hui partie intégrante du dispositif de transport de la métropole Aix-Marseille. Les années suivantes, l’événement a été organisé en partenariat avec le Grand Port Maritime de Marseille et Fos, dans l’objectif de réfléchir à l’avenir de ses portes et de son hinterland. Depuis cinq ans, le workshop fait l’objet d’une collaboration avec le parc national des Calanques, pour questionner l’interface entre espaces urbanisés et parc naturel. Parallèlement à ces coopérations et partenariats locaux, le workshop se donne aussi pour objectif de rayonner à l’échelle internationale. En témoigne le montage du workshop International de Design Urbain Recife-Marseille en 2009 : “Potentialités des Bateau-Bus comme alternative pour le transport urbain”. Par la suite, deux autres workshops ont été organisés au Brésil, avec les universités de Natal et de Sao Luis. Aujourd’hui, le workshop organisé à Marseille est en lui-même un lieu de rencontres et d’échanges international. Chaque année, des professeurs d’universités étrangères (États-Unis, Japon, Brésil, GB, RFA, Danemark.) sont invités à encadrer les équipes.

Visite de site à La Ciotat, 2018
Visite de site à La Ciotat, 2018

 

Apprendre à coopérer en équipe

Le workshop est avant tout une initiation au projet en groupe. En effet, les étudiants architectes sont peu formés à la conception collective dans leur parcours classique et ils apprennent ici à mettre leurs compétences et leurs envies au service d’un collectif, à maîtriser leur égo et prendre des responsabilités pour le bien commun. Pour faciliter l’organisation des équipes, quatre rôles sont définis au préalable : un secrétaire, un scribe, un maître du temps et un manager. Les trois premiers sont membres à part entière du groupe et continuent à participer au débat collectif (idées et production documentaire). Le manager a un statut un peu particulier. Il a un rôle d’encadrement de l’équipe, une attention au bien-être de chacun et doit être capable de prendre du recul dans les discussions et débats afin de pouvoir arbitrer dans le cas où le ton monte. Le rôle de l’encadrant est ici essentiel pour faciliter et pacifier le travail collectif. Il est à la fois stimulateur de l’équipe, mais aussi référent dans l’organisation de celle-ci. Toutefois, à la différence d’une situation professionnelle, il n’est pas chef d’agence même s’il fait appel à ses compétences organisationnelles. La présence d’acteurs institutionnels, de scientifiques, d’ingénieurs, d’urbanistes et d’architectes est aussi une ouverture à la maîtrise d’ouvrage et aux compétences expertes avec lesquelles l’architecte sera amené à collaborer. Pour les étudiants, c’est une façon de rencontrer le monde professionnel dans sa diversité. Dans cette transposition de la réalité, les étudiants apprennent à s’assumer collectivement.

Repas festif à la veille du rendu, 2018
Repas festif à la veille du rendu, 2018

 

Prendre part au débat public

A la fin du workshop, les projets sont présentés et commentés durant toute une journée devant un public ouvert d’étudiants, de techniciens, de politiques et d’associations. Il s’agit d’une transposition de ce que l’on pratique aujourd’hui sous le terme de concertation. Chaque équipe se doit d’être solidaire, convaincante et, en même temps, capable d’écoute. C’est une autre dimension de l’exercice que de savoir communiquer un projet et en débattre pour le faire évoluer, l’enrichir. Au-delà de l’exercice pédagogique, les projets entrent dans le débat public. Ce débat se prolonge par le biais d’expositions publiques et de publications sous forme de livret. Dès lors, le workshop s’intéresse à une prise de position citoyenne de l’architecte.  Celle qui engage le projet architectural et urbain comme un moyen pour agir sur la société dans laquelle il vit. »

Débat sur le territoire – la carte comme outil de réflexion
Débat sur le territoire – la carte comme outil de réflexion