Les enjeux du jeu pour apprendre

Nadja Monnet
Patrice Laisney

Quels en(jeu)x pour sensibiliser à la fabrique de la ville

Genèse d’une coopération en cours…

Les contributions rassemblées dans ce dossier sur le jeu, l’apprentissage et la sensibilisation à la fabrique des milieux architecturés ont pour ambition de rapprocher la recherche et la formation en éducation[1] dans le cadre des écoles d’architecture (ENSA). Les questions complexes relatives à l’enseignement et à l’apprentissage nécessitent des regards croisés multiples pour être éclairées. Des processus aussi complexes ne peuvent être compris sans une approche interdisciplinaire, qui, par ailleurs est au cœur du projet d’Aix Marseille Université (AMU). La grande diversité des compétences qu’elle permet de rassembler en fait un lieu propice à la mise en œuvre de démarches et de projets coopératifs. C’est dans ce contexte que ce projet a vu le jour. La première étape de celui-ci consiste à construire au préalable un « monde commun » qui permettra des prolongements possibles sur la base de concepts identifiés et partagés au sein de cette communauté en construction[2] qui associe des architectes, des anthropologues, des chercheurs et chercheuses en sciences de l’éducation, des formateurs/formatrices et des enseignant·e·s et enseignant·e·s-chercheurs/chercheuses[3].

Dans le cadre de la loi sur l’architecture de 1977 et de la stratégie nationale pour l’architecture de 2015, les CAUE, Maisons de l’Architecture et de la Ville, Ecoles Nationales Supérieures d’Architecture, Directions Régionales des Affaires Culturelles et autres associations multiplient les actions à vocation pédagogiques (conférences, expositions, visites, ateliers, jeux, etc.), entre sensibilisation et apprentissage de l’architecture, de la ville et du paysage, vers des publics variés. Ces actions posent inévitablement la question des publics concernés et en conséquence des compétences et rôles des médiateurs, comme des supports de médiation, en fonction d’un objectif de sensibilisation ou plus complexe de réel apprentissage.

Ainsi, la forme du jeu, fortement interactive, expérientielle et facilement collective, est-elle souvent proposée comme partage entre médiateurs et publics et entre les publics eux-mêmes, comme l’a attesté l’exposition La ville en jeux de La Compagnie des Rêves urbains qui s’est tenue à la Maison de l’Architecture et de la Ville de Marseille à l’automne 2018. Cet événement, décrit dans ce dossier par Roberta Gheli, est à l’origine de l’organisation conjointe, entre l’axe Pédagogie réflexive du et pour le projet du laboratoire PROJECT[S] de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille et l’axe Artefacts de formation du laboratoire ADEF de l’Inspé (AMU), avec la collaboration de l’École Nationale Supérieure du Paysage, de la journée d’étude que nous avions intitulée Quel(s) (en)jeu(x) pour sensibiliser à la fabrique de la ville ?, jouant alors avec les mots pour questionner cet apprentissage par le jeu mais aussi pour mettre en avant les enjeux pour la profession d’architecte de sensibiliser les publics à la compréhension de leurs cadres de vie.

 

Au cours de cette journée d’étude et de ce dossier qui s’en veut la synthèse en même temps que sa prolongation, nous avons souhaité questionner la relation prétendue « naturelle » et « fonctionnelle » du jouer et de l’apprendre (Brougière, 2005)[4] ; interroger la forme du jeu comme support de médiation autour des questions suivantes :

  • Quels points de jonction et de frictions entre jouer, projeter et faire ?
  • Que faisons-nous quand nous jouons (pour sensibiliser à la fabrique de la ville) ?
  • Que faire par ou avec le jeu ?
  • De quelle manière « se met-on en chemin avec » (Ingold, 2018) lorsque l’on joue ?
  • En quoi le jeu peut-il être moteur de la compréhension du fonctionnement des règles du vivre-ensemble et de la fabrique de la ville ?
  • Quelles en sont les apports et les limites ?

Dans cette perspective nous proposons ici un ensemble de contributions, récits d’expériences, recherches menées dans le cadre de l’Inspé d’Aix-Marseille, des thèses de doctorat, menées en science de l’éducation et au sein des ENSA, ainsi que des recherches en cours pluridisciplinaires et pluri-institutionnelles. Les textes qui suivent sont en partie les communications retravaillées à l’issue des débats de la journée mais également de nouvelles propositions qui permettent de poursuivre la réflexion, initiée lors ce premier moment réflexif inter-établissement.

Vers une ludification de nos sociétés ?

La notion de jeu ou l’acte de jouer est très souvent immédiatement associée à celle d’enfance, comme si ceux-ci étaient moins légitimes d’être pratiqués à l’âge adulte. De même, si les jeux sont mobilisés depuis fort longtemps dans l’enseignement, il semble qu’il y ait un regain d’intérêt actuellement autour des questions qu’ils posent. L’émergence de « nouvelles » formes ludiques (notamment les serious games) semble aller de concert avec l’avènement de néologismes tels que ludification, gamification, etc. Lors de l’organisation de la journée sus-mentionnée, nous avions recensé cinq événements (colloques, publications) plus ou moins aux mêmes dates[5] sur le sujet. Nous avions donc l’impression d’être à un moment charnière d’une effervescence particulière autour du jeu, des jeux, de ses dérivés et dérives.

En effet, depuis quelques années, publications, colloques, journées d’études se succèdent pour en faire l’éloge, ou au contraire, interroger cette tendance au tout ludique qui semble vouloir transformer nos modes d’agir mais également nos manières de façonner nos espaces du quotidien. C’est ce que met clairement en avant Julia Moutiez dans son analyse méticuleuse des évolutions de la notion de jeu et de sa conceptualisation. Dans son texte Du jeu, modèle pour étudier les sociétés humaines au jeu, outil de gestion, conception et médiation, elle souligne que ce n’est qu’à la fin du 20ème siècle que le jeu devient une notion conceptuelle à part entière, avec l’apparition des sciences du jeu. Elle interroge alors le tournant ludique de nos société post-modernes en mettant en avant les processus de ludification de nos actes et espaces du quotidien. Si pour certains auteurs, le terme de ludification est la traduction de l’expression anglaise gamification, pour Bonenfant et Philippette (2018), ces termes ne sont pas tout à fait synonymes, la gamification consistant stricto sensu à importer des éléments de jeu (technologie, pratiques ou design) dans des contextes non ludiques (le milieu du travail, de la santé, l’aménagement des espaces, etc.) alors que la ludification « viserait à utiliser l’état d’esprit ainsi que la mécanique du jeu pour résoudre des problèmes et faire participer les utilisateurs » (Bonenfant & Philippette, 2018). La ludification est à la fois une forme discursive, un ensemble de signes dont le sens se réfère à l’univers du jeu, ainsi qu’un argument persuasif qui stimule l’engagement. Ces auteurs proposent d’appeler « ludicisation », le « processus visant à faire entrer un objet dans la sphère du jeu ». Cette notion plus expérientielle et évolutive leur permet de ne pas limiter le jeu à un ensemble de techniques et de poser « de manière problématique et non évidente, la transformation d’un objet ou d’une situation « autre » en jeu » (ibid.).

Le regard des sciences de l’éducation

Le programme « Artefacts de formation », mené au sein du laboratoire ADEF, s’intéresse à l’apport du numérique dans les processus d’enseignement-apprentissage. Le numérique permet des formes d’engagement et de participation des apprenants nouvelles qui interrogent les métiers de l’enseignement de l’éducation et de la formation professionnelle. Les activités comme celles de leur public s’en trouve profondément modifiées. Ce programme vise à analyser le rôle des objets sémiotiques ou matériels qui instrumentent les activités propres à ces métiers, leur potentialité d’aide à l’enseignement et à l’apprentissage, en vue de comprendre et d’expliquer les effets de l’intégration du numérique dans la formation à ces métiers. Il s’agit de s’intéresser à la fois à l’efficacité didactique, c’est-à-dire à ce que l’activité instrumentée permet aux formés (élèves, étudiants, stagiaires, …) d’apprendre et de développer en termes de compétences, et à la fois au renouvellement des pratiques professionnelles en particulier créatives et collaboratives de ces métiers de l’enseignement de l’éducation et de la formation professionnelle, c’est-à-dire à la manière d’organiser l’activité instrumentée des formés.

Les objectifs de ce programme sont multiples. Ils visent une meilleure compréhension des obstacles et des leviers d’appropriation du numérique éducatif ; l’analyse des compétences des enseignants nécessaires à l’intégration du numérique éducatif dans leurs enseignements ; l’analyse de l’efficacité des pratiques de formation innovantes ; l’analyser de la production et du développement de la compréhension des dynamiques d’interaction de communauté de réflexion en ligne (e-portfolio, vidéos, forums…) ; enfin, l’analyse de l’activité enseignante en vue de sa modélisation.

Le cadre théorique mobilise l’analyse de l’activité instrumentée ; la genèse instrumentale ; la théorie de l’activité ; la didactique professionnelle ; les interactions ; le travail et l’apprentissage collaboratifs ; enfin, le modèle TPACK (Technological pedagogical and content knowledge).

L’hypothèse générale est que les artefacts de formation évoluent avec le numérique et impactent la professionnalisation et le développement professionnel et in fine la formation des professionnels, de l’enseignement, de l’éducation et de la formation professionnelle.

Le cadre méthodologique de ce programme repose sur des méthodes quantitatives (analyse statistique et modèle fondé sur l’analyse sociométrique et la théorie des graphes) à partir d’outils de type questionnaires déjà validés et qualitatives des interactions (analyse du contenu et analyse du discours). Ces méthodes sont appropriées pour comprendre les processus de communication textuels (entretiens individuels et discussions de groupe) asynchrones médiés par ordinateur.

Jeu et apprentissages

Les pratiques de jeux concernent un large public, enfants, adolescents, adultes et, au-delà du divertissement, ils contribuent au développement de la socialisation et à l’acquisition de savoirs et compétences. Dans le champ de l’éducation, les jeux sont qualifiés parfois de « puissant dispositif d’apprentissage », leurs propriétés en font, selon certains, de pertinents outils pédagogiques pour la formation et l’éducation. Ils permettent de réaliser des apprentissages par la pratique, ils reposent sur un principe de rétroaction immédiat (feedback), ils permettent de contextualiser les savoirs, ils offrent des possibilités de scénarisation de l’activité…. L’émergence dans les années 2000 des « jeux sérieux » (serious game), ces dispositifs pensés pour l’apprentissage, et les encouragements parfois institutionnels à utiliser le jeu en classe, témoignent d’un intérêt grandissant du champ de l’éducation pour l’aspect potentiellement éducatif des pratiques ludiques.

Il existe cependant une relation déjà ancienne et complexe entre jeu et apprentissage (Musset & Thibert, 2009) et appendre en jouant n’est pas une pratique pédagogique nouvelle ou innovante (Tricot, 2017).

Si l’on attribue des vertus pédagogiques au jeu, c’est parce que rien, a priori, n’a besoin de le motiver de l’extérieur : il trouve immédiatement et directement son sens, dans un goût du jeu qui le distinguent d’un pur et dur appât du gain. L’enjeu pédagogique majeur est peut-être moins d’apprendre à jouer que d’apprendre en jouant, c’est-à-dire de profiter de l’attrait intrinsèque du jeu pour placer les élèves dans des situations stimulant leur intelligence et suscitant chez eux le besoin de savoir. Dans cette perspective, Christophe Rodo explique le fonctionnement de la mémoire et montre le lien qui existe entre plaisir, jeu et apprentissage. Caïra (2018) souligne également que les affects sont omniprésents dans l’expérience ludique et déterminants pour comprendre l’engagement des joueurs[6].

Que désigne-t-on exactement lorsqu’on parle de pratiques du jeu pour apprendre ?

Pour Caillois (1957), le jeu est une activité qui doit être :

  • libre, l’activité doit être choisie pour conserver son caractère ludique ;
  • séparée, circonscrite dans les limites d’espace et de temps ;
  • incertaine, l’issue n’est pas connue à l’avance ;
  • improductive dans la mesure où il ne produit ni biens, ni richesses (même les jeux d’argent ne sont qu’un transfert de richesse) ;
  • réglée, elle est soumise à des règles qui suspendent les lois ordinaires ;
  • fictive, accompagnée d’une conscience fictive de la réalité seconde.

Brougère (2005) nous donne une définition du jeu en cinq critères :

  • la fiction « réelle », faire semblant part toujours de la réalité. Le joueur s’y investit avec autant de sérieux que dans la réalité,
  • l’adhésion, il n’y a jeu que si le joueur le décide,
  • la règle est indispensable pour la structuration du jeu,
  • la frivolité, il n’y a aucune conséquence sur la réalité, il invite à de nouvelles expériences dans lesquelles on n’a pas besoin de mesurer les risques qui freinent. On est force de proposition, plus créatif. On peut se surpasser. Il répare les failles,
  • l’incertitude, c’est le moteur du jeu. Le jeu n’est jamais deux fois pareil. On ne sait jamais à l’avance comment il va se dérouler et finir.

Ces deux définitions montrent l’écart qui peut exister entre le jeu qui se joue en dehors de l’école obligatoire et dans celle-ci. En effet, au sein de l’école, le jeu n’est jamais complètement libre, son issue et sa production finale est le plus souvent bien connue à l’avance. Notamment du professeur qui s’efforce la plus souvent de guider les élèves vers sa solution.

Si l’on peut considérer que tout (n’) est (qu’) un jeu, que les élèves « jouent le jeu » ou « se prêtent au jeu » lorsqu’ils acceptent leur « métier » d’élève, inversement, il n’en va pas de même pour les élèves qui ne voient rien de ludique dans les situations qu’ils vivent à l’école.

Les contributions de Laurence Espinassy, Christel Marchiaro, Laure Sabine Bampi et Annalisa Lollo analysent différentes formes de la pratique du jeu et des règles de fonctionnement que cela suppose. Dans leurs réflexions, ces auteures nous invitent à s’interroger sur la part de jeu et les enjeux de ce dernier dans leurs démarches.

La question des apprentissages

Les questions qui se posent concernent la plus-value que l’on peut escompter de telles pratiques pour apprendre : Qu’apprend-on effectivement en jouant ? Apprend-on mieux ou différemment en jouant ? Ces questions ne sont cependant pas nouvelles et la recherche en éducation a produit de nombreux travaux qui permettent d’avancer quelques éléments de réponses.

En premier lieu, ces travaux montrent qu’il est souvent difficile d’établir des relations entre l’acquisition de savoirs ou le développement de compétences dans une pratique ludique et leur « transférabilité » dans d’autres domaines. On peut en outre se demander si, comme dans le cas de « jeux sérieux », la transformation d’un jeu, dont le but est le divertissement, en un dispositif pédagogique, dont le but est l’apprentissage, ne transforme pas profondément la nature de l’activité. Sommes-nous toujours dans le cadre d’une activité ludique ou d’un « exercice déguisé » ?

La recherche en éducation souligne aussi différents intérêts de cette pratique pour l’élève, notamment du point de vue de son engagement, de sa motivation et de son expérience d’apprentissage. Pour autant, il n’existe pas de preuve d’une efficacité en tout contexte sur les apprentissages. Les effets des approches basées sur les jeux n’améliorent pas de façon significatives les performances des élèves (Tricot, 2017). Une efficacité qui dépend des contextes d’apprentissage, qu’ils soient formels, dans la classe ou informel (Berry, 2012) et qu’ils concernent des savoirs implicites ou explicites. De façon générale, les processus complexes à l’œuvre dans les situations d’enseignement apprentissage (Ginestie & Tricot, 2013 ; Chatoney et al., 2020) ne s’accommodent pas de simples « recettes ». Si de nombreux pédagogues (Piaget, Freinet, Montessori, Vygotsky, Dewey, Bruner…) se sont intéressés à l’importance du jeu dans le développement de l’enfant, certains, et parfois les mêmes invitent à la prudence : « Contrairement à d’autres pédagogues de l’école nouvelle, Freinet pensait aussi que ce n’était pas par le jeu que l’on apprend, mais par le travail » (Fournier, 2016, p. 67).

Ces travaux invitent donc à la prudence mais ne manquent pas d’intérêt pour envisager des pratiques ludiques susceptibles de faciliter l’apprentissage des élèves. Les contributions de Christel Marchiaro, entre apprentissage et sensibilisation et d’Annalisa Lollo qui envisage l’extérieur, le dehors comme lieu d’apprentissage, mettent en perspective la question des apprentissages ayant recours à la pratique du jeu.

Le jeu comme modèle didactique

La contribution de Laurence Espinassy étudie la place de l’architecture dans le cadre de l’enseignement des arts plastiques en termes de « jeu didactique ». Selon cette approche, Brousseau (1998 ; 2002) s’appuie sur la théorie des jeux (dans le domaine des mathématiques) pour construire le concept de situation. Il envisage le jeu comme un modèle général des activités humaines et l’apprentissage en particulier comme adaptation spontanée à un jeu. Ce modèle comporte un actant, un joueur, qui peuvent être la même personne, l’élève et un observateur (le professeur ou des élèves). L’actant est le sujet du jeu, l’élève qui apprend. Le joueur est un sujet qui décide ou non d’être l’actant d’un jeu déterminé. Ce joueur se trouvera face à un milieu, un système matériel ou non, qui lui offrira le choix entre des positions possibles « permises » et prévues par les « règles du jeu ». Dans l’ensemble des positions permises – ou états du jeu – se trouveront la position initiale et les positions terminales. Certaines positions concevables sont exclues par les règles du jeu. La régularité des décisions ou des stratégies peut témoigner d’une certaine connaissance. Chaque connaissance pertinente détermine une incertitude de l’actant, une plus ou moins grande adéquation des décisions qu’elle permet d’envisager, un coût des actions ou des efforts, une fiabilité et une espérance de gain (une utilité). L’apprentissage se conçoit alors comme une adaptation spontanée à un jeu. L’hypothèse générale est que, l’actant tend à retenir les modifications avantageuses (c’est-à-dire celles qui améliorent le gain et qui minimisent les coûts de ses actions) et à les rechercher. L’apprentissage est ainsi « expliqué » par le modèle.

Les travaux conduits par Brousseau dans le cadre de la didactique des mathématiques lui ont permis d’élaborer un certain nombre de préconisations relatives à la conduite du jeu. Concernant les élèves, « la situation doit avoir les caractéristiques d’un jeu au sens ordinaire » (Brousseau, 2002, p. 22). Et le fait que le professeur joue lui-même n’a d’importance que dans la mesure où cela est efficace pour l’apprentissage des élèves. Pour autant, « il n’y a pas lieu de juger le caractère ludique des situations d’enseignement trop localement » (ibid.). En effet, Brousseau note que « dans la plupart des jeux il y a des efforts, des difficultés, des moments de concentration, de passion, d’espoir et de déception » (ibid.). Le tout est, pour le professeur, de rendre possible et pour le plus grand nombre, un investissement qui ressemble suffisamment à ce qu’on peut attendre lorsqu’on joue dans le cadre non scolaire, dans la vie, tout en permettant d’y éviter ou d’équilibrer ce qu’elle peut avoir de trop dangereux ou contondant.

De plus, « il n’y a pas lieu de vouloir enfermer ces jeux dans des normes uniformes si elles sont inférées par des raisonnements qui font fi des détails » (ibid.). C’est l’originalité, la spécificité et la perfection des détails des meilleurs jeux qui assurent leurs principales vertus. En d’autres termes, changez les règles de façon anarchique et vous découvrirez vite la faille qui anéantit les vertus du jeu initial.

Enfin, « il n’y a pas lieu non plus de vouloir inconsidérément remplacer des activités didactiques en classe par des jeux directement importés de l’extérieur » (ibid.). De nombreux jeux dit « éducatifs » peuvent se révéler bien pauvre du point de vue des apprentissages. Le plus souvent, la réputation « didactique » de ces jeux est purement hypothétique ou au moins largement surévaluée.

Abondant en ce sens, la contribution d’Alice Delserieys envisage le processus de méta-conception d’un jeu destiné à soutenir l’enseignement et l’apprentissage de concepts difficiles dans l’enseignement des sciences.

Jeux et fabrique de nos espaces du quotidien

Dans le champ architectural, paysager et de l’aménagement de l’espace, une réflexion sur le jeu est également présente depuis un certain temps, bien que d’abord de manière assez marginale puis, depuis peu, plus centralement, comme en attestent les différentes journées d’études et colloques qui se sont succédés à Lille, Paris et Marseille entre 2016 et 2019[7].

Dès la deuxième moitié des années 1950, Fridman pose le jeu comme central dans son projet de ville mobile. Il écrit :

« On oublie trop que les villes commencent en réalité par les habitants ; les individus qui n’ont pas un sujet commun d’intérêt ne se groupent pas pour fonder une ville. Le lien qui les unit est affectif : le désir de ne pas s’ennuyer, le plaisir des jeux […]. Il est de plus en plus évident que les jeux ou amusements deviendront le centre du comportement biologique de l’homme humain […]. Une recherche approfondie des catégories éventuelles de jeux collectifs est nécessaire si nous voulons faire la moindre prévision quant à l’avenir du comportement social. Il me semble qu’une liberté de choix sans aucune opposition, et bien observée, pourra être le seul moyen permettant de découvrir les amusements qui deviendront le centre de notre culture » (Fridman, 1970, p.30).

C’est la même centralité du jeu et de l’observation des comportements humains (en l’occurrence les enfants et adolescents) qui est au fondement des terrains d’aventure. Le paysagiste danois Carl Theodor Sørensen semble avoir été le premier à parler de terrain d’aventure, en 1931, en ces termes :

“Nous devions peut-être essayer de mettre en place des terrains de jeu de débris dans de grandes zones appropriées où les enfants pourraient jouer avec de vieilles voitures, de vieilles boîtes ou du bois de construction. Il est possible qu’il faille un peu de surveillance pour empêcher les enfants de se battre trop et afin de limiter les risques de blessures, mais il est tout aussi probable que cette surveillance ne soit pas nécessaire” (cité par Paquot, 2017, p.22).

En France, les terrains d’aventure apparaissent au début des années 1970 et ont pour la très grande majorité d’entre eux une courte vie, certainement à cause de leur aspect « bidonville », comme le révèle les débats qui ont eu cours autour du démantèlement de celui de Bellevue à Nantes (Gillardot, 2020)[8] qui a été remplacé par un parc public dont le nom, le parc META (Maison de l’Enfance et Terrain d’Aventure), conserve la trace des activités passées du lieu. A Marseille, c’est en 2009 que ferme le dernier d’entre eux, celui du Pradel à la Castellane[9] marquant la fin de ce type d’espaces de jeux dans la ville.

Si ceux-ci peuvent apparaître comme un épisode qui n’aurait pas eu de suite, le projet de recherche en cours pluridisciplinaire et pluri-institutionnel, Terrains d’Aventure Pour l’Avenir (TAPLA)[10], présenté par Gilles Raveneau, voudrait, au contraire, suggérer que cette expérience se prolonge aujourd’hui, non seulement avec la réouverture de quelques rares terrains d’aventure (telle l’expérience de Belle Beille, décrite à plusieurs mains dans ce dossier), mais surtout à travers de nouvelles initiatives comme les abris de loisirs, les jardins partagés, les écoles dans la forêt, etc.

Interroger et revisiter l’héritage des terrains d’aventure en Europe, en tant qu’espaces d’invention et d’expérimentation de méthodes aux carrefours d’innovation pédagogiques multiples ouvre des perspectives pour repenser, aujourd’hui, les espaces de jeux et la place des enfants dans nos villages, villes, métropoles, mégalopoles, etc. Espaces de jeu libre où les enfants sont non seulement les usagers mais aussi les constructeurs, les terrains d’aventure sont aux antipodes des programmes d’aménagement qui produisent les aires de jeu standardisées qui tendent à s’imposer toujours davantage. Ils invitent, au contraire, à considérer le « faire » comme un mode de pensée et de conception de l’espace. Ils traduisent un processus de construction par l’expérimentation directe, par l’exploration et par la prise de risque. A travers eux, l’enfant se confronte à la matière, au vivant. Il y apprend à prendre des risques et quand cela est nécessaire, à s’en protéger. L’aventure de Belle Beille à Angers, retracée par Chloé Artières, Baptiste Besse-Patin, Rémi Cadier, Thomas Charlot, Simon Guillon, Damien Lule et Gilles Raveneau, en est une belle démonstration.

Dans un contexte assez similaire bien que nationalement différent, Francesca Riva tire les leçons de l’expérience réalisée à Naples par un collectif qui a associé un département d’architecture, designers, travailleurs sociaux, médiateurs socio-culturels et les habitants d’un quartier périphérique (Scampia) en vue du réaménagement de leurs espaces communs du quotidien. En plus de l’importance du « faire ensemble » mentionné ci-dessus, cette auteure souligne ce qu’apportent la créativité et les manualités, alliées à une réflexion sur les imaginaires qui permettent de faire émerger des expériences subjectives et sensibles du contexte.

Les conceptrices et concepteurs d’aujourd’hui sont confrontés à un encadrement normatif de plus en plus contraignant, d’autant plus lorsqu’il porte sur l’aménagement des espaces publics. A la lumière de la crise sanitaire actuelle, les contraintes réglementaires vont certainement peser plus encore sur la manière de construire la ville. De même, le retrait quasi complet des espaces publics va induire de nouveaux rapports avec ceux-ci, entre mise en valeur et tactiques d’évitement. Il semble donc urgent de se ressaisir des exemples de processus de conception qui savent (se) jouer des contraintes, des règles et des normes pour inventer des formes adaptées à leur époque.

Nos sociétés semblent en mal de jeu, non pas dans le sens que l’on entend habituellement qui renvoie au ludique, mais le jeu en tant qu’intervalle, en tant qu’« excès d’aisance dû à un défaut de serrage entre deux pièces […] qui réintroduit de l’imprévisible », convoqué de tous ses vœux par Brossard-Lottigier (2015, p. 77) pour permettre des mouvements plus libres entre les espaces ainsi qu’entre les êtres, objets et sujets qui les composent. Selon elle, « La ville moderne est menacée par ce manque de défaut de serrage, manque de jeu entre toutes ses pièces serrées à fond, toutes ses zones d’activité, d’habitat, de loisirs et de transports, limitées, murées, barricadées, juxtaposées, mais jamais tissées » (ibid.). C’est également ce besoin de tissage dont parle Ingold (2018), de renouer les liens entre les entités que la philosophie cartésienne s’est attelée à séparer pour mieux les analyser. Tissser des liens avec le milieu mais aussi entre apprenants et sachant, co-construire les savoirs par le « faire » (Ingold, 2017) avant tout. Pour cet auteur, l’architecture et l’anthropologie devraient être des manières de penser en agissant plutôt que des manières d’agir en pensant.

A l’instar de ce que décrit Descola (2017) dans la collection « Homo Ludens, le corps en jeu »[11] sur l’acte de jouer chez les peuples traditionnellement étudiés par les anthropologues, celui-ci ne se dissocie pas forcément, ni clairement des apprentissages des tâches du quotidien. Faire faire et jouer ne font alors plus qu’un et sont des tâches que l’on prend au sérieux et sont bien loin de l’idée d’amusement.

Des leviers pour apprendre : quelles perspectives ?

C’est en jouant, qu’on apprend à jouer, écrit Brougère (2005). Spontanément, un enfant ne sait pas jouer. Ainsi, le jeu n’est ni naturel, ni spontané. Pour cet auteur, tout jeu est le produit d’un contexte social qui lui impose sa logique, ses contraintes, ses objectifs. Les « cultures ludiques » (Brougère, 2002) sont le fruit d’une coproduction, d’un jeu d’interrelation entre l’individu et les autres, entre l’individu et le social. Ainsi, l’enfant, en particulier, doit apprendre à jouer, c’est-à-dire à intégrer les procédures préexistantes qui produisent le jeu (Brougère, 2005). « Le jeu se produit mais produit également […] il donne du sens aux actions qu’il engendre », ajoutent Campion, Kapp et Philippette (2018, p.2). Il s’agit alors non pas « d’interroger ce qu’est le jeu mais de considérer tout ce qu’on peut faire ou produire en jouant » (ibid.). Que propose le jeu ? Pour qui est-ce un jeu ? Qu’est-ce qui fait d’un jeu un jeu ?

Ces questions sont aussi celles dont Brougère (2020) a incité les chercheurs à s’emparer, lors du colloque en ligne « Le jeu : entre familles et institutions. Approches pluridisciplinaires des acteurs, des territoires et des enjeux sociaux ». Avec lui et en le paraphrasant, insistons sur le fait que « tout jeu est situé », ce qui signifie que tout jeu renvoie à une situation particulière (un espace-temps spécifique et une co-présence singulière de joueurs et non-joueurs). Cette impossibilité de généralisation interdit donc les énoncés du type « le jeu est éducatif » ou « contribue au développement » tout autant que leurs opposés (« le jeu n’est pas éducatif » ou « ne contribue pas au développement ») qui ne sont pas plus véridiques que les premiers. Ces déclarations n’ont pas été démontrées scientifiquement. Brougère (2020) prévient que nous n’en avons aucune preuve, malgré les nombreuses recherches sur le jeu qui ont produit des résultats très contrastés car elles renvoient à des jeux singuliers dans des contextes particuliers.

De façon générale, en sciences de l’éducation, les travaux de De Grandmont (1997) et plus récemment de Romero (2016) et Romero et al (2016), portant spécifiquement sur le recours au jeu pour apprendre permettent d’envisager des situations propices à l’engagement, à la collaboration, à la résolution de problème, et de nature à l’acquisition de savoirs. Le jeu comme espace de rencontre er d’échange invite au partage, favorise la coopération et l’empathie.

Cette forme d’apprentissage ne représente pas un but mais avant tout un moyen d’engager les apprenants, de les mettre à l’ouvrage. Les neurosciences ont montré le rôle des émotions dans l’apprentissage et jouer peut activer favorablement les émotions. Le jeu facilite la motivation, implique une démarche active et facilite le passage à l’action. Les sens sont stimulés, procurent des émotions agréables et diminuent le stress lié au risque d’erreur (Guillou et al., 2016, p. 144).

Ne serait-ce pas alors davantage une question d’engagement dans lequel le faire fonde l’espace[12], tout court et l’espace d’apprentissage en particulier? Bonenfant et Philippette (2018) précisent que l’engagement invite à la fois à la participation mais également à la distance critique et à l’effort interprétatif. Luc Bresson, lors de la journée d’étude à l’origine de ce dossier thématique, soulignait d’ailleurs que faire « jouer » les étudiant·e·s est une ruse, un artifice pédagogique, pour les accrocher car tout apprentissage demande un effort. C’est donc se leurrer que de leur faire croire qu’en jouant, ils apprendront sans s’en rendre compte. Le jeu permettrait-il de déjouer le rapport au savoir dans l’apprentissage ? Le jeu peut-il induire une forme de critique sociale[13] ? Cet artiste et enseignant à l’École Nationale Supérieure du Paysage de Marseille avait également longuement insisté sur l’importance de la créativité, du plaisir et de l’enthousiasme comme moteurs d’apprentissage. Plus que la dimension ludique, n’est-ce pas avant tout le partage et le plaisir de la coopération qui facilite les apprentissages ? qui sensibilisent à une situation et donnent la possibilité de prendre part à la résolution d’un problème, d’une question ? qui permettent d?être en prise avec l’objet/sujet d’étude ; en somme, une forme d’affordance (Greeno, 1994), à savoir un processus qui induirait des usages favorisant les apprentissages.

Jean-Luc Brisson soulignait aussi que le désespoir de notre époque est qu’avec la tendance à la ludification de nos espaces et activités du quotidien, nous sommes condamnés au jeu, celui-ci n’étant plus borné temporellement et spatialement. A défaut de pouvoir se prêter au jeu, nous serions constamment dans le jeu/ en jeu. Nous nous donnerions au jeu continuellement. Serions-nous en train de tendre vers une société sans hors-jeu au sens d’Esquerre (2017), à savoir sans espace où personne ne joue, ni ne peut jouer. C’est sur ces questions d’éthique qu’est restée en suspens plus que ne s’est close notre journée et sur lesquelles nous laisserons ouvert également ce numéro thématique. Quels impacts a la culture ludique contemporaine chez les professionnel·le·s de la fabrique de la ville[14], sur nos apprentissages et nos imaginaires ? Quels défis éthiques posent l’émergence de la ludification de nos sociétés ?

Bibliographie

  • Berry, V. (2012) L’expérience virtuelle. Jouer, vivre, apprendre dans un jeu vidéo. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, coll. « Paideia ».
  • Bonenfant, M., & Philippette, Th. (2018) Rhétorique de l’engagement ludique dans des dispositifs de ludification, Sciences du jeu, nº10, http://journals.openedition.org/sdj/1422 , mis en ligne le 28/10/2018, consulté le 14/11/2018.
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Références

[1] Et plus précisément au travers du laboratoire Apprentissage, Didactique, Evaluation, Formation (ADEF) de l’Université d’Aix-Marseille (AMU).

[2] Des liens entre l’École d’Architecture de Marseille et l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé) ont existé par le passé, au travers notamment du MAP-GAMSAU et, en particulier de la figure de Jean-Charles Lebahar. C’est dans cette filiation que nous souhaiterions réactiver ce partenariat.

[3] Pour faciliter la lecture de ce texte, nous utiliserons la règle grammaticale française qui veut que le masculin l’emporte, malgré le fait que nous considérons important qu’elle change pour inclure linguistiquement de la parité entre hommes et femmes.

[4] Cet auteur fait remarquer qu’en France, l’éducation préscolaire a fait alliance avec la psychologie pour faire du jeu une norme pédagogique. Le jeu est ainsi devenu l’outil du développement de l’enfant et le support privilégié de l’apprentissage sans, cependant, que la validité d’une telle position théorique ait jamais pu être vérifiée dans les faits. D’autre part, la Déclaration des droits de l’enfant érige le jeu comme un droit des enfants en le considérant comme indispensable à leur bien-être : « L’enfant doit avoir toutes possibilités de se livrer à des jeux et à des activités récréatives, qui doivent être orientées vers les fins visées par l’éducation ; la société et les pouvoirs publics doivent s’efforcer de favoriser la jouissance de ce droit. » (Droits de l’enfant, 1959, cité par Paquot, 2018, p. 22).

[5] Parmi elles, les journées professionnelles à destination des enseignants de la scolarité obligatoire autour de l’exposition La ville en jeux (Marseille, novembre 2018), une formation doctorale en anthropologie et histoire à l’Université de Fribourg (Suisse), intitulée « Bon ou mauvais jeux ? » (début novembre 2018), un colloque sur la gamification de la société (Paris, décembre 2018) https://crea2s.hypotheses.org/521 , la publication du numéro A quoi nous engage le jeu ? de la revue Sciences du jeu, nº 10, octobre 2018, ou encore la soutenance de thèse de David Malaud à l’ENSA de Versailles sur ce qu’il a appelé l’Homo architectus ludens, en décembre 2018.

[6] Dans son stimulant article, cet auteur détaille les dimensions multiples de l’engagement dans le jeu, en analysant l’ample éventail du sur-engagement au sous-engagement des joueurs, ainsi que les différentes manières de vivre l’engagement ludique. Il propose de dépasser les typologies qu’il qualifie d’ « étanches ». (à l’instar de celles établies par Callois (1957)) amplement reprises au-delà du monde académique et habituellement utilisées pour comprendre le phénomène. Il interroge également le jeu comme moyen d’apprentissage par la pratique.

[7] Pour plus de détails sur cette généalogie, voire Prévot, Monin, Douay (2020, pp. 15-19).

[8] Nous tenons à remercier ici Daniel Pinson de nous avoir mentionné l’existence du site Patrimonia de la Direction du patrimoine et de l’archéologie de Nantes Métropole qui détaille les mutations du terrain d’aventure de Bellevue.

[9] L’association Récits Marseille a édité en novembre 2010 un ouvrage qui retrace l’existence de cet espace sous le titre L’eau, la terre, le feu ; l’histoire du terrain d’aventure du Pradel, Marseille (16ème), 1986-2009.

[10] Le projet TAPLA réunit archivistes, spécialistes des sciences de l’éducation, paysagiste, urbaniste, architectes, philosophe, géographe, anthropologues, ethnologues mais aussi des acteurs du terrain. Il a pour ambition également d’impliquer dans son processus de recherche des étudiants de trois ENSA (celles de Paris La Villette, de Paris Val de Seine et de Marseille).

[11] Cette collection conçue et dirigée par Benjamin Pichery est constituée d’entretiens à des penseurs contemporains, réalisés par François L’Yvonnet sur ce qu’ils présentent comme un phénomène social omniprésent dans nos vies, universel bien que largement impensé : le jeu sportif ou le « corps en jeu », l’Homo ludens contemporain.

[12] Dans sa communication du 28 novembre 2018, la psychomotricienne Sylvie Manet insistait sur le fait que le faire fonde l’espace.

[13] Ce que postule les coordinateurs du numéro « A quoi nous engage le jeu », Sciences du jeu, nº10, 2018.

[14] Ces questions ont été abordées aux journées d’étude de Lille dont les résultats ont été publié dans deux ouvrages coordonnés entre autres par Prévot et al., (2020). Lors de la 2ème édition, le focus a été mis sur les jeux-vidéo et leur capacité à être des outils d’empowerment vis-à-vis du projet urbain ou de territoire. S’est posée également la question de savoir si la fabrique de la ville et ses enjeux peuvent être, en retour, une source d’inspiration pour les professionnel·le·s du jeu-vidéo.

Les auteurs

Nadja Monnet est chercheuse-membre du Laboratoire Architecture/Anthropologie, UMR 7218 LAVUE, CNRS. Patrice Laisney est directeur adjoint de l’Inspé d’AMU et maître de conférences en science de l’éducation, membre du laboratoire ADEF UR4671.

Extrait de la revue

4
Jeu et apprentissages
regards croisés en architecture et en sciences de l'éducation
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