Le niveau de complexité des défis auxquels les sociétés contemporaines doivent faire face exige la conception de solutions basées sur la mobilisation de compétences de multiples acteurs. Cette intelligence collective émerge de la capacité de ces acteurs à savoir mener des projets dans lesquelles leurs actions sont hautement interdépendantes. Néanmoins, le système pédagogique traditionnel, basé sur une logique disciplinaire et d’évaluation individuelle, rencontre des difficultés à former les étudiants à ce type de pratiques de conception collaborative.
Dans le paysage de l’éducation supérieure, l’enseignement de l’architecture se distingue de l’approche disciplinaire universitaire par l’usage du dispositif de l’atelier qui vise l’apprentissage de compétences à travers une approche intégrative des connaissances dans une démarche de projet. Ce processus d’apprentissage par le projet est par ailleurs mené dans un environnement particulier, caractérisé par des structures spatiales, temporelles, matérielles et sociales singulières. Bien que le système d’évaluation soit comme dans le modèle universitaire traditionnel également structuré en fonction d’un travail individuel, ce dispositif pédagogique se différencie d’une part par la posture d’auteur dont l’étudiant doit faire preuve, et d’autre part par la dynamique collective de l’apprentissage qui est mise en œuvre dans cet environnement particulier de formation.
À partir de ces constatations, nous défendons la thèse que l’atelier d’architecture constitue un dispositif pédagogique capable de former à la conception collaborative, pour autant que certains de ses paramètres soient reconfigurés. Nous identifions dans cette optique l’atelier intensif de courte durée comme une évolution contemporaine du dispositif de l’atelier qui, grâce à une concentration de certains de ses paramètres (spatiaux, temporels, matériels et sociaux), est devenue un lieu d’expérimentations concrètes de la pratique et de l’apprentissage de la conception collaborative. Nous utilisons dans cette recherche l’acronyme “WAU » (Workshop d’Architecture et d’Urbanisme) pour parler de l’atelier intensif de courte durée dans le but de le distinguer de sa version longue.
Pour défendre cette thèse, nous définissons tout d’abord l’atelier traditionnel à travers une perspective historique et l’analyse de sa structure et de son fonctionnement, pour identifier comment ce dispositif dialogue avec la notion de conception collaborative. Nous réalisons ensuite à une typologie du WAU en fonction de ses différentes pratiques contemporaines pour situer trois études de cas à partir desquelles nous décrivons différentes mises en œuvre de la conception collaborative. Cette analyse nous permet de mettre en lumière le rôle clef des différents acteurs, de la configuration de la gouvernance et de la configuration des paramètres de l’environnement, ceci pour favoriser le processus de conception collaborative.
Cette recherche consiste ainsi à identifier les potentiels et les limites qu’offre le WAU pour la formation à la conception collaborative dans les études d’architecture. Étant donné la diversité des variables qui entrent en jeu dans la mise en œuvre de cet environnement collaboratif, l’ambition de cette contribution n’est pas de proposer une marche à suivre pour la réalisation de ce genre de dispositif mais bien d’identifier et de faire connaître certains outils et certaines stratégies susceptibles d’être mobilisés par les acteurs de la conception collaborative pour faciliter et optimiser leur démarche.
Thèse de Julien Ineichen