La recherche à l'ENSA·M

Écrit par
Muriel Girard
DREAM d’architecture

En septembre 2015 se tenaient, à l’ENSA•M, les Rencontres Doctorales en architecture (BRAUP, Project[s], ENSA-M). Orchestrées par Stéphane Hanrot, fondateur et directeur du DREAM – Département de la Recherche doctorale de l’ENSA•M de 2008 à 2017, secondé par Anne-Marie Hélary, assistante du DREAM, ces rencontres nationales regroupaient des doctorants(es) et des directeurs et directrices de thèse de toute la France. Ce moment de foisonnement et d’enthousiasme intellectuel s’articulait autour d’un questionnement sur les rapports entre le projet et la recherche. Les réflexions sur « les conduites à projet » (Boutinet 2014) y apparaissaient comme un axe structurant tandis que Paul Quintrand, Philippe Boudon et Jean-Pierre Peneau rappelaient, à travers l’article intitulé « le Doctorat en architecture », présenté par P. Quintrand et rédigé collectivement, la très grande variété thématique des thèses en architecture et leur forte dimension pluridisciplinaire.

A une moindre échelle, les recherches des doctorants du Département de la Recherche Doctorale de l’ENSA•M expriment tant de la vitalité de la recherche en architecture que de la pluralité des approches. Elles témoignent aussi, en prenant le projet à toutes ses échelles comme objet central, des passerelles entre la pédagogie, la recherche, et la pratique. Et, elles cristallisent des centres d’intérêts qui peuvent intéresser tant les enseignants, chercheurs, praticiens intervenant à l’école et, au-delà, des acteurs de la société civile.

Ce premier numéro de la revue SUD volumes critiques, regroupe les travaux des doctorants et jeunes docteurs des laboratoires Project[s] et INAMA (Investigation(s) sur l’histoire et l’actualité des mutations architecturales, directeur J-L. Bonillo) présentés lors du séminaire doctoral du DREAM de 2017. Les doctorants(es) du laboratoire INAMA illustrent l’intérêt porté à une approche diachronique, attentive aux mutations sociétales et disciplinaires. Ainsi, en explorant les thèmes de la grande composition, du concret de la cité-jardin et l’idée de grande ville, de Barcelone à Berlin en passant par Londres…, Vincent Bradel revient sur le dessin des « limites de la grande ville aux premiers temps de l’urbanisme ». Sylvia Amar nous entraîne dans des « laboratoires d’architectures » à travers les expériences utopiques de communautés états-uniennes et européennes des années 1960 à nos jours. A travers un bornage chronologique similaire, Monira Allaoui retrace la mise en acte d’une autre aspiration à penser et concevoir autrement à travers l’étude du « rôle de la recherche dans la redéfinition des contenus et des formes de l’enseignement durant la période qui court de 1967 à 2017 » à l’école d’architecture de Marseille. Décryptant des changements contemporains, Ana Chuburu, quant à elle, s’interroge sur la révolution numérique et la façon dont elle bouleverse les manières de faire et de concevoir le projet urbain participatif.

Ces travaux, appartenant au champ de la recherche dite fondamentale, sont complétés par des recherches relevant plus de l’expérimentation et, parfois, de la recherche-action au sein du laboratoire Project[s]. Fondé par Stéphane Hanrot et depuis sa disparition en septembre 2017, dirigé par Alexandra Biehler, Mohamed Belmaaziz et Séverine Steenhuyse, « cette unité de recherche étudie les savoirs en actes dans le projet : les savoirs convoqués et utilisés ; les savoirs transformés et produits par la conception » (https://www.marseille.archi.fr/recherche/projects/presentation/). Le thème des territoires périurbains, central dans la conception et la compréhension des métropoles contemporaines, est le fil d’Ariane de plusieurs recherches. Zineb Aït Bouali étudie la densification pavillonnaire en questionnant les « leviers » permettant de réguler l’étalement urbain tout en réduisant les consommations énergétiques des pavillonnaires. Arnaud Sibilat appréhende un autre versant de la densification des zones périurbaines au croisement de l’architecture et de l’écologie en interrogeant les possibilités et les difficultés qu’implique la gestion écologique du jardin pavillonnaire dans ce processus. Ion Maleas aborde sous le volet social le périurbain, en posant à la base de sa réflexion les appels à la densification pavillonnaire, à la production de logement social et à la mixité sociale afin d’explorer les possibilités et limites de cette mise en œuvre tripartite dans les territoires périurbains. Enfin, c’est par le biais de l’infrastructure routière, de sa matérialité, de son vécu et de sa perception que Gabriele Salvia nous propose d’aborder le territoire de la métropole et nous invite, dans un contexte de densification du périurbain, à « comprendre les relations qu’elle entretient avec les territoires limitrophes, ainsi que les contraintes techniques et sécuritaires qui leur sont liées ».

Enfin, ce focus regroupe les résumés de thèse de deux jeunes docteur(e)s ayant soutenu en novembre 2017 et qui ont mis, dans la filiation de Stéphane Hanrot, l’expérimentation et la recherche-action au cœur de leur démarche. Marion Serre explore les « tiers-foncier », délaissés urbains au statut foncier indéterminé, montrant comment ils étaient « l’un des constituants » de la ville d’aujourd’hui propices à différentes appropriations citoyennes. Florent Chiappero, prenant appui sur l’expérience du Collectif Etc. dont il est l’un des membres fondateurs, développe l’hypothèse que les collectifs développent « un modèle original de pratique du projet, enrichissant la taxonomie de Jean-Pierre Boutinet » et, pourrait-on ajouter, bousculant les manières de faire et de penser des architectes dans un monde en pleins bouleversements sociaux, économiques et politiques.

Par le biais de ses jeunes chercheur(e)s, le DREAM est ainsi un incubateur du renouvellement de la recherche, toujours attentive à être en phase avec la pédagogie et les nouveaux défis qui se posent aux architectes et à l’architecture.

                                                                                                                      Muriel Girard

 Références

Jean-Pierre Boutinet, Psychologie des conduites à projet, Paris, PUF, Que sais-je ?, 2014.

Philippe Boudon, Jean-Pierre Peneau, Paul Quintrand, “Le doctorat en architecture”, in Stéphane Hanrot (dir.), Actes des Rencontres Doctorales en architecture 2015, Quels rapports entre recherche te projet dans les disciplines de l’architecture, de l’urbanisme, du paysage et du design ? ENSA•Marseille, 2017, p.15-17

L'auteur
Muriel Girard

Enseignant-chercheur au laboratoire INAMA, Directrice du département de la recherche doctorale de l’école. Membre associée du LAVUE (Laboratoire Architecture, Ville, Urbanisme, Environnement, UMR 7218), équipe CRH (Centre de Recherche sur l’Habitat) et du CETOBAC (Centre d’Études Turques, Ottomanes, Balkaniques et Centrasiatiques, UMR 8032, EHESS/CNRS/Collège de France) depuis 2010. Directrice du DREAM, département de la recherche doctorale de l’ENSA-Marseille depuis le 1e septembre 2017.

Ses articles

Extrait de la revue

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La recherche à l’ENSA•M
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